PRETS EN DEVISE
Le « consommateur » au sens la directive 93/13 et clarification sur le statut du frontalier – le caractère personnalisé des explications face au risque de change :
La cour de cassation rappelle à l’envi que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.
La clause annulée entraine comme on sait la nullité du prêt dans son entier. La Cour de cassation ajoute désormais (Cass. civ.1ère 18 septembre 2024 n°22-17746) que les clauses d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère qui ne permettent pas d’apprécier le caractère personnalisé des explications qui avaient pu être fournies ne sont pas claires et compréhensibles.
Il s’agissait en l’espèce de trois prêts de 2006 en francs suisses, remboursables en euros, avec des intérêts à taux variables indexés sur le Libor trois mois accordés par Crédit Mutuel de Savoie.
La Cour vérifie ainsi si les juges du fond ont correctement analysé si les clauses permettaient bien d’apprécier le caractère personnalisé des explications qui avaient pu être fournies, que les emprunteurs n’avaient reçu aucune simulation chiffrée et que l’attestation était rédigée en termes relativement généraux.
En effet, dès lors que les juges avaient relevé que les clauses “ne permettaient pas, à elles seules, d’apprécier le caractère personnalisé des explications qui avaient pu être fournies”, ils ne pouvaient en déduire qu’elles étaient claires et compréhensibles.
Il faut en outre contextualiser cette position récente de la cour de cassation avec la conception large de la notion de « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » de la CJUE (CJUE, 21 septembre 2023 AM et PM c/ mBank S.A.).
Cette protection a vocation à s’appliquer à tous les ressortissants européens, frontaliers ou pas, dès lors qu’ils n’agissent pas dans le cadre professionnel.
La notion de consommateur moyen européen au sens la directive 93/13 dispose d’un caractère objectif indépendant des connaissances concrètes que la personne concernée peut avoir ou des informations dont cette personne dispose réellement.
Les travailleurs disposant de revenus en francs suisses à la date de conclusion du contrat de prêt en devise sont également des consommateurs au sens du droit de l'Union européenne. On rappelle à ce titre que les informations personnalisées communiquées par la banque doivent permettre à ce consommateur moyen de comprendre :
- qu’en fonction des variations du taux de change, l’évolution de la parité peut entraîner des conséquences défavorables à l’égard de ses obligations financières,
- mais encore le risque réel auquel il s’expose pendant toute la durée de ce contrat de prêt.
Les emprunteurs frontaliers doivent par conséquent bénéficier de la même protection accordée par le droit des clauses abusives, sans que ne puissent ne leur être opposées les connaissances particulières dont ils disposeraient sur les opérations de change consistant à vendre ou acheter des francs suisses à des cours CHF/EUR variables.
En effet, le risque de change doit être totalement appréhendé par l’emprunteur, frontalier ou non, dans ses conséquences réelles. Les conséquences de ces contrats de prêts sont particulièrement dangereuses concernant les frontaliers, notamment si l’emprunteur perd sa source de revenus en francs Suisse.
La différence de monnaie génère en tout état de cause un risque de change, lequel cause un préjudice financier. Le préjudice financier varie selon les contrats concernés :
- augmentation du capital restant dû malgré l’amortissement réel du prêt,
- augmentation du montant de l’échéance de prêt,
- augmentation du coût du crédit.
Dans l’hypothèse d’une unicité de monnaie, si le risque de change peut diminuer, il n’est pas aboli et pèse là encore exclusivement sur l’emprunteur. Hormis l’hypothèse trop connue de la perte des revenus en CHF qui peut survenir durant la vie du prêt, les emprunteurs supportent indirectement un risque de change dans la mesure où la somme empruntée en francs suisses et remboursée dans la même devise sert souvent à financer un immeuble situé en France et évalué de fait en euros.
Dès lors, une augmentation de la valeur du franc suisse conduit à rembourser un capital décorrelé avec la valeur de l’immeuble financé, expose ainsi l’emprunteur à un préjudice financier en cas de revente de l’immeuble.
Plus largement, le juge national doit, dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif d’une clause, se placer uniquement à la date de la conclusion du contrat concerné et évaluer, notamment, au regard de l’ensemble des circonstances entourant cette conclusion, si cette clause était par elle-même porteuse d’un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties au profit du professionnel concerné, et ce alors même que ce déséquilibre ne pourrait se produire que si certaines circonstances se réalisaient ou que, dans d’autres circonstances, ladite clause pourrait même bénéficier au consommateur concerné (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2021, Dexia Nederland, C-229/19 et C-289/19, EU:C:2021:68, points 54 et 55).
Par conséquent, la protection accordée par la Directive européenne sur les clauses abusives a vocation à s'appliquer à l’ensemble des personnes physiques se trouvant dans une situation d’infériorité à l’égard d’un professionnel en ce qui concerne non seulement le niveau d’information, mais également le pouvoir de négociation, situation qui conduit ces personnes physiques à adhérer aux conditions rédigées préalablement par ce professionnel, sans pouvoir exercer une quelconque influence sur le contenu de celles-ci.
Force est donc de constater dans l’évolution globale de la jurisprudence récente le sacrement de la protection conférée au consommateur européen, frontalier ou non, souscripteur de prêt en devise étrangère.
Historique
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